Digues Nord et Ouest de Charron
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Historique
Les premiers endiguements au Moyen Age et au 17e siècle
Les premiers endiguements de marais à Charron ont dû être réalisés au 13e siècle, en même temps que le creusement des premiers canaux (canaux de la Brie et de la Brune) créés pour le dessèchement de ces étendues délaissées par la mer autour de la baie de l'Aiguillon. Cette ligne de digues, établie par les abbayes de la région, dont celle de Saint-Michel-en-l'Herm, propriétaire de Richebonne, devait s'élever en arrière des îlots de Charron, entre Charron et Marans, depuis l'anse du Brault jusqu'à Sérigny. En aval, d'autres endiguements plus localisés ont dû être établis au Moyen Age par l'abbaye de Charron pour protéger ses marais salants (entre Bourg-Chapon, le bourg et le château ; des salines sont mentionnées à Charron dès le 11e siècle).
Au milieu du 17e siècle, dans le cadre des vastes et nombreuses opérations de dessèchement alors entreprises dans le Marais poitevin, des actions de ce type sont menées dans les marais de Charron, soit pour relever les anciens ouvrages mis à mal par les guerres des siècles passés, soit pour en créer de nouveau. L'initiative en revient à des investisseurs privés, comme ailleurs dans le Marais poitevin, ou, phénomène plus original à Charron, à des institutions religieuses qui, généralement, ont pourtant passé la main aux premiers. Ici, les Oratoriens de La Rochelle entreprennent entre 1653 et 1656 d'endiguer de nouveaux marais entre Charron, Esnandes et Andilly. Un périmètre endigué, appelé Marais de l'Oratoire, apparaît ainsi dans les marais des Petites et Grandes Laisses et de la Quatorze, au sud de Charron. Il figure sur la carte de la région par Claude Masse en 1701. La carte montre les anciennes lignes de digues, médiévales : d'une part, entre les écluses du Brault et Bas-Bizet, le long du chemin qui mène au passage par bac du Brault ; d'autre part, une ligne qui relie l'îlot du bourg, en avant de la Serpentine et Maison Neuve, à l'îlot de Badoran ; enfin, la digue qui longe alors le canal de la Brie. En aval de ces anciennes lignes et hormis les marais desséchés de l'Oratoire, tous les marais autour de Charron restent inondables. Le trait de côte avance jusqu'à quelques encablures du bourg de Charron et jusqu'à la pointe des Canons.
La création de la digue nord et de la première digue ouest en 1773-1776
L'envasement des bords de la baie de l'Aiguillon se poursuit au 18e siècle et permet alors d'envisager de nouvelles opérations de poldérisation. Seigneur de Charron, Pierre Chertemps de Seuil et ses associés créent en 1773 un syndicat pour le dessèchement des marais d'Andilly, Longèves et Charron. Le dessèchement est autorisé par arrêt du Conseil du 3 septembre 1773, et le syndicat tient sa première assemblée le 27 octobre. En plus du creusement d'un canal principal de dessèchement, le canal du Curé, une nouvelle ligne de digues à la mer est créée en avant des anciennes digues médiévales et des marais de l'Oratoire. La construction de cette ligne intervient entre 1773 et 1776 : la digue nord, qui suit les derniers méandres de la Sèvre à partir des écluses du Brault et jusqu'à la pointe des Canons, est édifiée en 1776 ; la digue qui, passant à l'ouest du bourg de Charron, vient relier le secteur occupé deux siècles plus tard par la Marina, jusqu'à l'actuelle route D 105, au sud du bourg, voit le jour dès 1773 ; elle est prolongée en 1776 au sud, jusqu'aux portes du canal du Curé et, au-delà, jusqu'au canal de Villedoux.
Ces nouvelles digues protègent donc désormais tous les marais entre la Sèvre et Bourg-Chapon, d'une part, les marais au pied du bourg de Charron et de la rue de la Laisse, appelés "prés du Bas de la Laisse" et "cabane de Charron", ainsi que tous les marais entre Charron et Esnandes, d'autre part. Restent en avant un fin cordon de mizottes, le long des méandres de la Sèvre, au nord, et, à l'ouest, un espace plus épais de mizottes entre les Canons et les portes du Curé. Ces prés salés appartiennent en partie, jusqu'à la Révolution, à l'abbaye de Charron et au seigneur de Charron, M. Chertemps de Seuil.
Ces digues à la mer, ou digues de garde, sont en première ligne face aux assauts de la mer et aux tempêtes. En octobre 1820, l'une d'elles emporte 520 mètres de digues et détruit le talus intérieur de l'ouvrage sur 1400 mètres. Les marais situés en arrière sont inondés. Parallèlement, l'envasement de la baie de l'Aiguillon se poursuit, et les prés mizottes au pied des digues augmentent en profondeur.
Des endiguements discontinus au 19e siècle
Tout au long du 19e siècle, l'Etat, propriétaire de ces espaces, va alors entreprendre de les confier en concessions à des propriétaires, mais sans appliquer de plan d'ensemble ni créer de syndicat de marais qui aurait coordonné l'opération, comme cela se pratique pourtant depuis des siècles. Au devant de la première digue ouest de 1773-1776, dans les Grandes Mizottes, les concessions vont s'effectuer au fur et à mesure, parcelles par parcelles, aboutissant à la création de terrains en lanières parfois très étroits, perpendiculaires à l'ancienne digue en arrière et la nouvelle digue élevée en avant. Chaque périmètre desséché est délimité par sa propre digue ; côté mer, ces digues mises bout à bout forment une nouvelle digue de garde ouest. Autre phénomène notable : cette poldérisation s'effectue sur des espaces que l'envasement de la baie de l'Aiguillon a engraissés plus longtemps que les marais en amont, poldérisés en 1773-1776, eux-mêmes plus élevés que les marais aménagés en amont au Moyen Age.
Ce nouveau mouvement de poldérisation commence en 1823 lorsque des riverains investissent les mizottes affermies mais l'Etat en revendique la propriété, ce que confirme un accord conclu les 25 juillet 1853 et 18 août 1854. Accompagné d'un plan général des lais de mer de Charron, il fixe la limite entre les propriétés des particuliers et les prés mizottes appartenant à l'Etat. A partir de là, dans les années 1850, en avant de la cabane de Charron et des Prés du Bas de la Laisse, entre la Marina et les Grandes Mizottes, de vastes parcelles sont accordées à quelques grands propriétaires (MM. Beaussant, Couzinet, Godineau...), d'autres (anciens marais de l'abbaye et de la seigneurie de Charron) restent à l'Etat. Au sud, les Grandes Mizottes sont éparpillées en une multitude de petites parcelles longilignes et en autant de propriétaires différents. La ligne de digue élevée en avant de ces nouveaux polders apparaît alors discontinue, comme le montre un plan général des lais de mer aliénés par l'Etat établi en 1874.
Une nouvelle opération de poldérisation, par vente aux enchères "à charge d'endiguement" de lais de mer, est mise en oeuvre en 1878 dans les marais des Vrillandes (en 68 lots), puis en 1890-1892 en avant de la cabane de Charron et, un temps, en avant de la pointe des Canons. Toutes ces opérations permettent aux marais de Charron d'éviter les grandes inondations de 1864 et 1890 qui dévastent les communes voisines. Pourtant, certains mettent en cause ces endiguements, les jugeant responsables de l'accélération de l'envasement de la baie de l'Aiguillon. En avant de la nouvelle ligne de digues, la récolte de l'herbe sur les prés salés est régulièrement mise en adjudication par l'Etat qui veille à ce que personne n'y envoie de troupeaux ou n'y coupe l'herbe sans autorisation. Les concessionnaires de ces mizottes doivent aussi laisser la libre circulation aux agents de l'Etat.
En 1895, les nombreux propriétaires des Grandes Mizottes endiguées dans les années 1850 (sauf certains récalcitrants) demandent à l'Etat l'autorisation de se constituer en syndicat pour procéder à des travaux de rectification et d'unification de cette même digue. Le syndicat est constitué le 18 mai 1899, rassemblant 47 des 66 propriétaires différents concernés. Un plan général et profil de la digue est présenté en 1900 par les Ponts et chaussées (comme ils l'avaient déjà fait pour l'endiguement de 1890-1892). L'ouvrage, prévu plus haut que les digues qui le prolongent au nord et au sud, est déclaré d'utilité publique le 31 mai 1901, les propriétaires récalcitrants sont expropriés par décision du tribunal de première instance de La Rochelle le 8 février 1902, et les travaux commencent le 17 mars. Subventionnés par l'Etat, ils sont réalisés par une nombreuse main-d'oeuvre venue des villages environnants.
Des digues affaiblies au 20e siècle ; l'après-Xynthia
En dépit de ces travaux, la gestion des digues souffre tout au long du 20e siècle du caractère éparpillé de leur propriété en un grand nombre de propriétaires différents. En 1937-1938, le conseil municipal de Charron et des riverains de la digue Nord demandent à l'Etat des travaux urgents sur la portion de digue appelée les Faux Tours, entre l'ancien passage du Brault et le port du corps de garde. La guerre n'améliore pas la situation. Les digues lâchent en 1941, inondation qui fait une victime à Charron. La digue des Grandes Mizottes est endommagée par les troupes allemandes. Le 10 novembre 1945, le conseil municipal de Charron réclame des travaux urgents, la digue étant prête à céder. Le 5 septembre 1946, il est de nouveau question de la digue des Faux Tours : ses propriétaires refusant de se constituer en syndicat, demande est faite au préfet de les contraindre à participer au financement des travaux. Un Syndicat des marais nord de Charron est finalement constitué en 1953. La reconstruction de la digue Nord est décidée en 1954, avec subvention communale. De nouvelles ruptures de digues ont lieu en 1957, après 1947, puis en 1999. Enfin, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia balaie les digues Nord et Ouest de Charron, mal entretenues par leurs multiples propriétaires et qui se sont affaissées avec le temps.
A l'issue de cette catastrophe meurtrière, de vifs débats ont lieu sur la propriété, l'entretien et la configuration même des digues. En 2011, des travaux d'urgence ont lieu au Brault, aux Faux Tours et sur la digue Ouest. Sur cette dernière, entre les Canons et le canal de Villedoux, l'opération est menée par le SIEAGH (Syndicat intercommunal d'études, d'aménagement et de gestion hydraulique) du Curé. Elle consiste à rétablir la digue sur 5922 mètres de long, avec une largeur en pied de 13 à 16 mètres, et une hauteur à la cote 5,20 mètres NGF (contre de 3,80 à 4,50 auparavant). Côté marais desséchés, au pied de la digue, une plate-forme de 5 mètres de large et un fossé de même largeur sont créés pour permettre l'entretien de la digue pour la première, l'évacuation de l'eau des marais desséchés pour le second.
Les travaux de reconstruction de la digue Nord quant à eux se font davantage attendre, faute de financement et de consensus entre les différentes parties prenantes (Etat, Département, SYNdicat Hydraulique du Nord Aunis, municipalité). En octobre 2013, sans plus attendre les résultats des études et les autorisations, la municipalité procède à la construction d'une contre-digue entre Bas-Bizet et la Loge, pour créer une ligne de protection au plus près des habitations de Bourg-Chapon. En complément aux travaux réalisés en 2013 sur la digue Ouest, des travaux de renforcement du prolongement sud de la digue sur la commune d'Esnandes (digue des Mizottes) sont menés en 2016. Ils sont réalisés dans le cadre du "Plan Digues", plan de renforcement des protections littorales dont le Département de la Charente-Maritime est le maître d'ouvrage.
Détail de l'historique
Périodes |
Principale : 4e quart 18e siècle, 2e moitié 19e siècle |
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Description
Les digues à la mer qui protègent les marais de Charron et, plus généralement, les marais de la rive gauche de la Sèvre Niortaise en aval de Marans, s'étirent sur environ 12 kilomètres de long, sur les communes de Charron et Esnandes.
La digue Nord, au nord de Charron, épouse au plus près les contours de la Sèvre Niortaise, entre les écluses du Brault et le port du Pavé. Elle est interrompue par deux ouvrages d'évacuation de l'eau des marais desséchés, de type porte : l'un au nord-ouest de la Loge, près d'une station d'épuration ; l'autre au nord des Faux Tours.
La digue Ouest, à l'ouest et au sud-ouest de Charron, surplombe les prés salés qui environnent la baie de l'Aiguillon. Longue de 5922 mètres, elle relie la pointe des Canons et le canal de Villedoux. La ligne de digues se prolonge au-delà, vers le sud, jusqu'aux falaises d'Esnandes. Interrompue par les chenaux des canaux du Curé et de Villedoux, la digue Ouest ne forme pas une ligne droite, l'avancée différenciée de la poldérisation au 19e siècle expliquant l'existence de tronçons en retrait par rapport aux autres.
Détail de la description
Murs |
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Toits |
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Informations complémentaires
Type de dossier |
Dossier d'oeuvre architecture |
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Référence du dossier |
IA17047436 |
Dossier réalisé par |
Suire Yannis
Conservateur en chef du patrimoine au Département de la Vendée et directeur du Centre vendéen de recherches historiques à partir de 2017. |
Cadre d'étude |
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Aire d'étude |
Vallée de la Sèvre Niortaise, Marais poitevin |
Phase |
étudié |
Date d'enquête |
2018 |
Copyrights |
(c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Centre vendéen de recherches historiques |
Citer ce contenu |
Digues Nord et Ouest de Charron, Dossier réalisé par Suire Yannis, (c) Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel, (c) Centre vendéen de recherches historiques, https://www.patrimoine-nouvelle-aquitaine.fr/Default/doc/Dossier/b5001af1-0e1e-4b94-8145-b7ff0448b510 |
Titre courant |
Digues Nord et Ouest de Charron |
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Dénomination |
digue |
Statut |
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Localisation
Adresse: Nouvelle-Aquitaine , Charente-Maritime , Charron
Milieu d'implantation: isolé
Cadastre: 2016 OA, OD, WA